Dans son style, la directrice exécutive de l’AIE, Maria van der Hoeven, l’exprime ainsi : «la mauvaise nouvelle c’est que nous avons des difficultés pour financer les actions de lutte contre le changement climatique. La bonne nouvelle c’est qu’il y a de vraies possibilités technologiques d’y arriver.»
Pour jauger les mesures nécessaires, l’AIE se base sur trois scénarios de réchauffement : l’un dit “2°C” prévoit une baisse des émissions de GES de 30 Gt CO2 aujourd’hui à moins de 20 Gt en 2050 ; un scénario “4°C” conduit à une stabilisation à 40 Gt ; et le scénario du pire “6°C” prévoit un doublement à près de 60 Gt.
Dans l’ETP 2012, les experts de l’AIE constatent en effet qu’avec les politiques actuelles, la demande en énergie et les émissions de gaz à effet de serre vont doubler d’ici 2050. Selon leur analyse, si le développement des énergies renouvelables est sur la bonne trajectoire et que quelques progrès ont été faits dans le transport, avec des véhicules moins émetteurs de CO2, et dans l’industrie, qui a amélioré son efficacité énergétique, il reste encore beaucoup à attendre du développement du nucléaire, du captage/stockage de CO2 (CSC), de la rénovation des bâtiments, des biocarburants, etc.
L'AIE n'exclut aucune option technologique pour relever le défi du "2°". l'atome est donc toujours recommandé, même si son impact sur les réductions des émissions de GES est faible (9%), tandis que les énergies renouvelables comptent pour 28% !
L’AIE croit aussi beaucoup au CSC (22 %) malgré les incertitudes sur son déploiement. En tout cas, rien ne peut se faire sans l’efficacité énergétique qui génère plus du tiers des baisses d’émissions, cela passant notamment par des produits performants (isolation, moteur, etc.), des systèmes décentralisés et intelligents et le recours à la cogénération dans le secteur de la production d’énergie.
Agir au plus vite
Trois recommandations principales sont faites par l’AIE aux ministres. D’abord, créer des politiques de long terme pour un cadre stable aux industriels et aux financeurs. Ceci inclut que les prix des énergies doivent refléter leurs coûts réels. L’AIE en appelle donc à l’apparition d’un prix du carbone et à la fin des subventions aux énergies fossiles, sept fois plus importantes dans le monde que le soutien aux EnR en 2011.
Ensuite, débloquer le potentiel de l’efficacité énergétique (“le combustible invisible”) afin que l’intensité énergétique mondiale baisse de 2,4 % par an dans les quarante prochaines décennies (contre 1,2 % par an depuis 40 ans).
Enfin, renforcer les investissements dans la R&D, ceux-ci ayant fondu des deux tiers depuis les années 1980. Bien sûr, tout cela va coûter cher. L’AIE estime les investissements nécessaires au scénario “2°C” dans le secteur de l’énergie à 140 000 Md$ entre 2010 et 2050, soit 36 000 Md$ de plus que le scénario “6°C”. Mais d’ici 2050, cet effort rapporterait des économies d’énergies fossiles équivalentes jusqu’à trois fois ce surinvestissement. Les actions seront donc rentables mais il est urgent de les engager. Car à terme, l’AIE le rappelle, il s’agit d’arriver à ce que les émissions de GES dues à l’énergie en 2075 soient nulles. Seul le scénario le plus ambitieux aujourd’hui peut permettre d’y arriver.
Article publié dans la revue ENERGIE PLUS n°489 du 1er juin 2012
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