De nombreuses installations de transfert de fluide fonctionnent à débit variable alors que les machines qui les alimentent (pompes, ventilateurs, compresseurs) sont entraînées par des moteurs électriques qui tournent à vitesse constante. La régulation du débit est assurée par des systèmes mécaniques, hydrauliques ou électromagnétiques qui dissipent une grande partie de l'énergie mécanique excédentaire fournie par le moteur, ce qui se traduit par un gaspillage d'énergie électrique. Ce gaspillage peut être évité en couplant le moteur à un variateur électronique (VEV) qui ajustera sa vitesse de rotation en fonction du débit souhaité. La puissance absorbée par une pompe ou un ventilateur variant comme le cube de la vitesse, le VEV va donc dégager des économies sensibles d'électricité. Le gain se situe entre 10 et 50% de la consommation d'électricité, avec une valeur moyenne estimée à 25%. Illustration : si le débit doit diminuer de 20%, un système classique de réglage devra dissiper 50% de la puissance fournie par le moteur, alors que le VEV va réduire au contraire de 50% la puissance appelée par le moteur.
Un gisement d'économies non négligeable
D'après l'enquête du CEREN réalisée en 1993 dans l'industrie française, les moteurs absorbent à eux seuls les deux tiers de la consommation industrielle totale d'électricité, soit 71,4 TWh cette année-là, et 63% de cette consommation (soit 44,8 TWh) sont imputables aux pompes, ventilateurs et compresseurs. Cette part se répartit elle-même de la façon suivante : 9,1 TWh pour la ventilation, dont 62% à débit variable et seulement 4% avec VEV ; 14,6 TWh pour le pompage, dont 57% à débit variable et seulement 4% avec VEV ; 21,1 TWh pour la compression, dont 75% à débit variable et seulement 0,02% avec VEV. On obtient donc un total de 28,8 TWh consommés par des intallations fonctionnant à débit variable mais non équipées de VEV. En se référant au gain moyen de 25% évoqué plus haut, le gisement d'économie d'électricité s'élèverait à 7,2 TWh/an. Ce sont donc environ 10% de la consommation industrielle d'électricité qui sont en jeu. C'est loin d'être négligeable, mais ce n'est pas si simple. En fait, le très petit pourcentage de compresseurs équipés de VEV, alors que les trois quarts d'entre eux fonctionnent à débit variable, reflète les difficultés techniques rencontrées pour adapter un VEV à un compresseur existant. Il s'en suit que la variation électronique de vitesse ne pénètre ce secteur de la compression qu'à l'occasion de rénovations complètes, avec changement des compresseurs, ou lors de la construction d'installations neuves. Un certain nombre de constructeurs de compresseurs proposent d'ailleurs aujourd'hui des modèles avec VEV intégré.
La suite de cet article se concentrera donc uniquement sur les pompes et ventilateurs, pour lesquels la mise en place de VEV sur des installations existantes est techniquement envisageable. Le gisement d'économie exploré se réduit à 3,26 TWh par an, mais ce n'est pas si mal ! Depuis 1993, l'ADEME et EDF ont noué un partenariat portant notamment sur la maîtrise de la demande d'électricité (MDE) et s'intéressent à ce gisement. Ils conduisent des opérations de sensibilisation des industriels à l'intérêt des VEV, tout particulièrement en pompage et ventilation, et leur proposent des pré-diagnostics et des diagnostics énergétiques subventionnés aux taux habituels de l'Agence. Le diagnostic énergétique, qui requiert des mesures précises, est impérativement à confier à un bureau d'étude ou d'ingienierie spécialisé. Le pré-diagnostic, en revanche, peut être sinon entièrement réalisé, du moins commencé en interne afin d'évaluer "à la louche" les enjeux énergétiques et économiques. Si le jeu semble en valoir la chandelle, on prendra la précaution, bien sûr, de faire valider l'estimation par un professionnel extérieur.
Détermination de la cible privilégiée
Ce "pré-pré-diagnostic" débute par une visite dans l'usine afin d'identifier les procédés qui utilisent des pompes ou des ventilateurs et, parmi eux, ceux qui fonctionnent à charge variable (ne pas oublier les ventilateurs d'air comburant des chaudières). On précise à chaque fois le type de dispositif utilisé pour faire varier le débit. On essaie ensuite de déterminer la durée de fonctionnement totale dans l'année, puis les fréquences et les amplitudes des variations de charge avec si possible les durées de fonctionnement pour chaque régime réduit (entretien avec les opérateurs ou relevés sur une journée type ou une semaine type). On relève enfin les caractéristiques des moteurs électriques d'entraînement et on se procure le contrat et les factures d'électricité.
La deuxième étape consiste à délimiter le champ d'investigation. A moins qu'ils soient très nombreux dans l'usine, on élimine d'office les moteurs de moins de 10 kW. L'enjeu énergétique qu'ils représentent est généralement faible et le coût des VEV s'accroît sensiblement lorsque la puissance est inférieure à ce seuil. Au-delà de 500 kW, il faut savoir que les VEV réclament les compétences d'une ingénierie spécialisée en vitesse variable pour effectuer une étude de faisabilité au cas par cas et qu'au-delà de 1 MW, ils se construisent sur mesures. La cible à privilégier dans cette première approche est donc l'ensemble des moteurs de puissance comprise entre 10 et 500 kW. Statistiquement parlant, les moteurs de cette gamme ne sont pas les plus nombreux, mais ils représentent 80% de la consommation totale des moteurs électriques industriels. Au sein de cette cible, on élimine ensuite les équipements dont la variation de charge n'excède pas 10% de la charge nominale et ceux dont la durée de fonctionnement est faible (moins de 4000 heures). On élimine aussi les moteurs dont la tension d'alimentation est supérieure à 1 000 V qui nécessitent, eux aussi, une étude spécifique.
Enfin - et ce critère est fondamental - il faut vérifier qu'il est possible de réduire la pression dans le circuit hydraulique ou aéraulique car lorsque la vitesse de rotation de la machine diminue, la pression baisse. Pour éviter l'apparition du phénomène de cavitation sur une pompe, il est nécessaire que la pression disponible à l'aspiration (NPSHD, Net Positive Suction Head) reste supérieure à la limite basse indiquée par le constructeur (NPSHR). S'il s'agit d'une pompe de relevage, elle doit fournir une hauteur manométrique totale non nulle (HMT0) lorsque le débit est nul ; il faut donc s'assurer que la HMT correspondant à la vitesse minimale du moteur reste supérieure à ce seuil. Dans le cas des ventilateurs, il convient de vérifier que le fonctionnement à vitesse réduite ne va pas se situer dans la zone de pompage. Par ailleurs certaines applications, comme la ventilation à volume d'air variable, exigent le maintien d'une pression constante.
Calcul des économies financières
Une fois établie la liste des équipements susceptibles de recevoir un VEV, on chiffre - très grossièrement à ce stade - les réductions de coût énergétique qu'on peut en attendre. Cette première estimation s'obtient par la formule suivante :
E = D.P.K.Ce. ΔEm
avec :
E = économie annuelle en euros HT par an
D = durée annuelle de fonctionnement (h)
P = puissance installée du moteur (kW)
K = taux de charge du moteur (%)
Ce = coût moyen de l'électricité (euros par kWh)
ΔEm = économie moyenne générée par un VEV.
Pour une pompe ou un ventilateur dont la charge varie de 60 à 100% du débit nominal, l'économie générée par un VEV se situe entre 10 et 50%, avec une moyenne de 25%. Dans l'industrie, le taux de charge moyen des moteurs électriques est de l'ordre de 70% ; on peut donc prendre K = 0,7 en première approximation. Imaginons une pompe entraînée par un moteur de 90kW fonctionnant 6000 heures par an avec un coût moyen d'électricité de 6 centieuros par kWh. L'ordre de grandeur du gain réalisé sera donné par : 6000.90.0,7.0,06.0,25, soit environ 5670 euros par an.
Le bureau d'étude qui viendra effectuer le pré-diagnostic et le diagnostic MDE utilisera, lui, une méthode plus complexe et une formule plus complète pour prévoir les économies d'électricité. Lorsque les courbes caractéristiques des pompes ou ventilateurs ne sont plus disponibles ou sont inexploitables, il devra les rétablir par des mesures de puissance, de pression et de débit qui lui permettront d'obtenir directement la puissance absorbée par le moteur en fonction du débit en tenant compte de la chaîne complète des rendements. Il devra également déterminer le point de fonctionnement de la machine à son débit nominal. A partir de ces données, il calculera les économies d'énergie en comparant, pour les différents points de fonctionnement de la machine (indice i), la puissance absorbée Pe1i lorsque le débit est régulé par le système classique (indice 1) à la puissance absorbée Pe2i lorsque le moteur est équipé d'un VEV (indice 2).
L'économie en euros sera alors donnée par la formule suivante :
E = Σi Di.Cei.(Pe1i - Pe2i)
où Di est la durée de fonctionnement au débit i et Cei le prix de l'électricité pendant cette période. Signalons que la mise en place d'un VEV permet souvent de remplacer un entraînement par poulie et courroie ou par chaîne et engrenage, dont le rendement de transmission se situe entre 95 et 99% tant que la charge est supérieure à 80% et qui baisse quand la vitesse diminue, par un entraînement direct dont le rendement de transmission est de 100%. Cette amélioration amplifie les gains obtenus par le VEV.
L'estimation "à la louche" faite plus haut se révèle ici plus utile qu'elle y paraît. Elle permet d'identifier les machines qui présentent un enjeu suffisant pour justifier le coût d'une campagne de mesure complète. Pour les machines à enjeux moyens, on pourra se limiter à des mesures partielles (puissance électrique et débit) et pour les machines à faibles enjeux, on se contentera des mesures de puissance. Grosso modo, les enjeux se répartissent dans ces trois segments en fonction de la puissance des moteurs : plus de 100 kW, entre 50 et 100 kW, moins de 50 kW ; mais il peut y avoir des cas particuliers.
Rentabilité : ne pas oublier les gains secondaires
Une fois les économies prévisionnelles calculées, on estime facilement le temps de retour brut de l'investissement. Les VEV sont dimensionnés en fonction de la puissance des moteurs qu'ils commandent et leur prix (VEV nu) s'établit habituellement entre 115 et 150 euros HT par kW dans la gamme de puissance ici retenue. Il faudra cependant tenir compte également du coût des études et du coût d'installation (armoire électrique, câblage, régulation) qui varie de 25 à 50% du coût du VEV nu et qui peut même atteindre 100% pour des applications spéciales. Il faudra éventuellement ajouter le coût des dispositifs de protection électromagnétique que l'étude de compatibilité avec le réseau pourra imposer, voire le coût d'un moteur neuf dans certains cas.
Il serait juste, en contrepartie, de prendre aussi en compte dans le calcul les gains autres qu'énergétiques procurés par l'utilisation des VEV : allongement de la durée de vie des équipements par suppression des coups de bélier aux changements de régime et par atténuation sensible des surintensités moteur aux démarrages ; réduction des frais d'entretien (tous les autres systèmes de régulation du débit réclament une maintenance spécifique) ; amélioration de la fiabilité (taux de disponibilité proche de 100%) et de la qualité (régulation à 1% près, voire mieux) des procédés ; possibilité d'utiliser un seul VEV pour commander plusieurs moteurs entraînant des machines fonctionnant en parallèle ; fonctionnement entièrement automatique ; si la pompe le permet, possibilité de dépasser la vitesse de synchronisme (d'environ 5%) afin d'augmenter la capacité de pompage. D'une manière générale, la mise en place d'un VEV se traduit par une amélioration de la productivité de l'équipement et de la qualité des produits. Sur une installation neuve, elle permet de réduire le surdimensionnement des turbomachines (donc leur coût d'investissement), ainsi que le diamètre des câbles (surintensité de démarrage), de limiter le volume des réservoirs et bacs tampons ainsi que les équipements anti-coups de bélier en pompage, de choisir le rapport diamètre d'aspiration sur diamètre de la roue conduisant au meilleur rendement. Tous ces gains secondaires ne sont pas facilement chiffrables, mais ils existent.
Il convient néanmoins de souligner que tous les diagnostics MDE ne débouchent pas systématiquement sur la préconisation d'un VEV. Le mauvais rendement d'un ensemble de pompage ou de ventilation ne tient pas toujours aux performances du dispositif de régulation du débit et peut avoir d'autres causes diverses. C'est justement l'intérêt du diagnostic de les mettre aussi à jour. La première démarche du bureau d'étude sera en effet de vérifier que l'ensemble du système répond bien aux besoins de l'usine. Il n'est pas rare, par exemple, qu'un mauvais rendement global soit le résultat d'un surdimensionnement trop important du moteur (ou de la motopompe ou du motoventilateur), y compris s'il s'agit d'un équipement fonctionnant à débit constant, au quel le bureau d'étude va également s'intéresser. Son remplacement par un modèle mieux dimensionné peut dégager des gains de consommation suffisants pour rentabiliser rapidement l'investissement. Par ailleurs, le cos phi du moteur, qui peut descendre jusqu'à 0,3 ou 0,4 s'il est trop puissant, sera sensiblement relevé. Les performances dépendent aussi de l'état de propreté des équipements et des circuits. Pour un liquide qui circule à 2,5 m/s, la consommation d'énergie de la pompe augmente de plus de 20% lorsque le coefficient de rugosité de la canalisation passe de 0,03 à 0,1. Enfin, une mauvaise conception des circuits d'aspiration et de refoulement peut entraîner des surconsommations permanentes (coudes à angle droit trop nombreux, réductions de section trop brutales,...). La correction de tous ces défauts se justifie en soi. Elle augmentera par ailleurs sensiblement les gains liés à la mise en place éventuelle de VEV.
Quel VEV pour quel moteur ?
Les pompes et ventilateurs peuvent être entraînés indifféremment par des moteurs à courant continu ou par des moteurs à courant alternatif triphasé, synchrones ou asynchrones. Cependant, en raison de leur simplicité, de leur robustesse et de leur faible coût, 90% des moteurs rencontrés dans l'industrie sont des moteurs triphasés asynchrones, généralement à cage, et ce sont eux qui, dans la très grande majorité des cas, entraînent les turbomachines. Ils présentent l'avantage de pouvoir démarrer seuls (couple non nul à vitesse nulle) ; ils réclament un entretien très réduit ; et si leur tenue en vitesse et en couple sont moins bonne que celles d'un moteur à courant continu, cet inconvénient est corrigé dès qu'ils sont couplés à un VEV.
La vitesse de rotation d'un moteur asynchrone est donnée par la fonction suivante :
N = (1 - g).60.f/p
avec :
g = glissement
f = fréquence du courant
p = nombre de paires de pôles
On peut donc faire varier la vitesse en agissant sur ces trois paramètres.
La modification du nombre de paires de pôles ne permet d'obtenir que des valeurs discrètes de la vitesse et on se limite généralement à deux d'entre elles. On trouve assez fréquemment ce système en ventilation pour assurer un régime "occupation" et un régime "hors occupation".
Le glissement peut être réglé par action soit sur la tension statorique, soit sur le courant rotorique. La première fait appel à des gradateurs et convient mieux aux entraînements à faible couple résistant aux basses vitesses. En outre, le diminution de la vitesse entraîne une augmentation du glissement et donc une dégradation du rendement énergétique, ce qui en limite d'utilisation aux moteurs de faible puissance. La variation du courant rotorique est obtenue par le biais d'une cascade hyposynchrone, ce qui permet une variation continue de la vitesse dans une plage étendue avec un excellent rendement pour des moteurs allant jusqu'à plusieurs MW de puissance.
On peut recourir à diverses techniques pour agir sur la fréquence. La plus courante pour les moteurs de la gamme de puissance ici étudiée consiste à utiliser un onduleur à modulation de largeur d'impulsion (MLI) qui se compose d'un redresseur à tension constante suivi d'un onduleur qui fournit à la fois une fréquence et une tension variables. En faisant varier la largeur des impulsions de sortie et la fréquence, on obtient une tension quasi-sinusoïdale. La fréquence détermine la vitesse du moteur (au glissement près) et la tension agit sur son couple. Le caractère fortement inductif du moteur fait que les composantes à hautes fréquences de l'onde de tension sont largement filtrées et que les tensions harmoniques générées sont particulièrement faibles.
Outre le convertisseur, un VEV contient également un organe de controle-commande qui, en fonction des paramètres de régulation du process (débit, pression, température, production,...) et du moteur (tension, courant, couple, vitesse,...) va piloter le convertisseur, gérer les défauts et assurer les démarrages et arrêts du moteur. Ici aussi, plusieurs solutions techniques sont disponibles. La plus simple est la commande dite "scalaire" ou encore à "U/f constant". Elle ne prend pas en compte le courant rotorique si bien que les performances dynamiques ne sont pas optimales. Elle ne permet pas en particulier de maîtriser correctement le couple moteur aux faibles vitesses de rotation. La plus efficace est la commande dite "vectorielle de flux à capteur de vitesse" qui fournit un contrôle optimal du couple sur toute la plage de vitesse et durant les phases transitoires, le capteur permettant de connaître à tout instant la vitesse et la position du moteur. Elle présente l'inconvénient d'être chère, encombrante et assez fragile, ce qui la réserve aux applications réclamant des performances élevées (laminoirs, levage, mélangeurs, broyeurs,...), notamment un couple important à vitesse nulle. On trouve entre ces deux extrêmes la commande vectorielle de flux sans capteur, dans laquelle la vitesse et la position du moteur sont estimées par le calculateur à partir de la mesure du courant statorique. Le pilotage est moins précis qu'avec un capteur et les performances se dégradent à basse vitesse. Il existe enfin la technique dite "DTC" (Direct Torque Control) dont les performances se situent entre les deux précédentes mais qui est plus rare.
D'une façon générale, les moteurs des pompes et ventilateurs de 10 à 500 kW sont pilotés par des convertisseurs de type onduleurs à MLI qui restent prédominants sur le marché et sont au catalogue de tous les fournisseurs. Ils assurent une précision de la vitesse de l'ordre de 1% (commande scalaire) à 0,1% (contrôle vectoriel avec capteur), largement suffisante pour la très grande majorité des besoins. Pour les applications visées ici, ils sont pour la plupart à commande scalaire (80% du marché), les commandes à contrôle vectoriel étant réservées aux procédés nécessitant un couple constant, en particulier à faible vitesse. D'autres solutions sont cependant envisageables et il appartiendra au bureau d'étude de déterminer le choix optimal.
Compatibilité : des précautions à prendre
Les retours d'expérience montrent que les utilisateurs sont dans leur très grande majorité très satisfaits des VEV. Les principaux avantages mis en avant sont la facilité d'intégration et d'exploitation, les excellentes performances techniques ( plage de variation de 0 à 100%, précision de la vitesse obtenue, maîtrise des régimes transitoires), la réduction sensible des coûts de maintenance et la rentabilité économique. La seule appréciation moins massivement positive - mais néanmoins très majoritairement positive - porte sur la sensibilité des VEV aux creux de tension. De façon plus générale, la compatibilité des VEV avec leur environnement mécanique et électrique est un point essentiel qu'il est indispensable d'étudier avant leur installation. Quatre questions sont à examiner : les effets sur le moteur lui-même ; l'intégration du VEV dans la boucle de régulation de la turbomachine ; la sensibilité du VEV aux défauts du courant (creux de tension et coupures brèves) ; la production d'harmoniques par le VEV (pollution du réseau).
Compatibilité avec le moteur
Il est important de s'assurer que le moteur existant va pouvoir fonctionner dans toute la plage de variation de vitesse prévue sans subir d'échauffement excessif qui réduirait sa durée de vie. Les systèmes de ventilation et de lubrification dont il est équipé sont conçus pour un fonctionnement au régime nominal, mais seront-ils encore adaptés lorsque le moteur tournera à vitesse réduite ? De plus, le VEV génère des harmoniques qui provoquent une augmentation des pertes Joule et des pertes fer du moteur, d'où une diminution sensible du rendement de l'ensemble moteur - VEV à faible charge et un suréchauffement du moteur. Il est donc nécessaire de déclasser le moteur à l'aide d'un abaque de déclassement. Pour les vitesses comprises entre 50 et 100% du régime nominal, comme c'est généralement le cas des pompes et ventilateurs, le déclassement n'est que de 0,95. Dans les installations neuves, par exemple, les fournisseurs utilisent généralement des moteurs isolés de classe F qu'ils font fonctionner en classe B.
Le risque de suréchauffement peut conduire à envisager l'installation d'une ventilation supplémentaire du moteur. On sait en effet que la durée de vie d'un isolant diminue de moitié si la température s'élève de 10°C. La mise en place d'un ventilateur auxiliaire est rarement nécessaire car d'une part, comme on l'a déjà vu, la plage de régulation des turbomachines se situe généralement entre 50 et 100% de la vitesse nominale, d'autre part les turbomachines centrifuges et axiales présentent un couple résistant de nature quadratique qui diminue avec la vitesse, ce qui allège la charge du moteur. Le cas peut néanmoins se présenter avec les pompes volumétriques, dont le couple est constant, ou si le moteur électrique en place est trop surdimensionné ce qui va amener à le faire fonctionner à très basse vitesse.
En conclusion, il est toujours indispensable de prendre contact avec le constructeur du moteur et il est recommandé d'envisager le remplacement du moteur dès qu'il a plus de 10 à 15 ans d'âge.
Intégration dans la boucle de régulation
L'intégration d'un VEV dans la boucle de régulation du débit existante mérite une attention particulière afin que la turbomachine puisse continuer d'assurer la totalité de ses fonctions. Il faut bien connaître le système de régulation existant et le modifier si nécessaire pour l'adapter au pilotage par VEV. On a déjà vu, par exemple, que pour les pompes, il est nécessaire de s'assurer que la valeur du NPSHD restera supérieure à NPSHR. Dans le cas des ventilateurs équipés de ventelles à l'aspiration, le remplacement de ces ventelles peut réduire la zone de fonctionnement.
Sensibilité des VEV aux défauts du courant
Les VEV sont par construction protégés contre les transitoires pouvant survenir à l'occasion de creux de tension ou de coupures brèves sur le réseau d'alimentation électrique. Cependant, le fonctionnement des protections peut entraîner une réduction de la puissance transmise au moteur, et donc de sa vitesse de rotation, ce qui peut s'avérer gênant ou pénalisant. Certaines applications peuvent supporter un arrêt du moteur pendant quelques secondes (une ventilation d'ambiance, par exemple) ; d'autres au contraire ne peuvent subir une chute de vitesse de quelques pour cent sans entraîner des pertes de production importantes (fabrication de matériaux tendus, par exemple, ou machine de précision).
La quasi-totalité des VEV du marché supportent des creux de tension de 15% en maintenant la puissance transmise aux moteurs. Avec des réglages particuliers effectués par les constructeurs, certains modèles peuvent tolérer 20 à 25%, voire 30% pour les nouvelles générations. Au-delà de ces seuils, le VEV cesse de transmettre la puissance au moteur jusqu'au retour de la tension normale. Pour les applications peu ou modérément sensibles, comme le sont souvent le pompage et la ventilation, les constructeurs proposent des dispositifs de rattrapage au vol qui peuvent faire appel à différentes technologies. Pour les applications plus sensibles, il est possible de surdimensionner le VEV tout en augmentant sa tolérance aux creux de tension, ce qui permet d'assurer un fonctionnement correct avec des creux de tension pouvant aller jusqu'à 50%. Si l'application est très sensible, il faut adjoindre à l'installation une alimentation sans interruption (ASI) ou un banc de condensateurs, mais ces solutions sont onéreuses. Pour les turbomachines, la solution du rattrapage au vol est dans la plupart des cas suffisante.
Réduction de la pollution harmonique
Le niveau d'immunité des VEV aux harmoniques présents sur le réseau est fixé par la norme européenne EN 61800-3 éditée en 1996. Il se peut cependant que la présence de courants harmoniques crée des sous-tensions qui peuvent perturber le fonctionnement du VEV : on a observé ce phénomène pour des taux de distorsion de 8%. On doit alors soit mettre en place un filtre passe-bas, soit modifier le seuil de tolérance du VEV, comme vu ci-dessus.
Mais le problème le plus contraignant est que le VEV est lui-même un générateur structurel d'harmoniques qui vont se propager sur le réseau interne de l'usine et sur le réseau EDF. Trois moyens sont disponibles pour réduire la pollution harmonique et ses dommages potentiels. Le premier consiste à modifier la conception du réseau de l'usine et la répartition des charges. Deux règles sont à respecter : d'une part, alimenter les VEV à partir du point où la puissance de court-circuit du réseau est la plus élevée, c'est à dire d'un point où la tension est la plus élevée ; d'autre part, alimenter les VEV à partir de départs spécifiques, séparés de ceux qui alimentent les charges susceptibles d'être polluées. Des précautions particulières sont en outre à prendre vis à vis des batteries de condensateurs.
La deuxième solution est le filtrage des harmoniques produites. Les dispositifs les plus courants et les moins chers sont les filtres passifs qui sont de trois types, anti-harmoniques, résonants ou amortis. Si les besoins de filtrage sont importants, il faut recourir simultanémant à des filtres résonants pour éliminer les premiers rangs d'harmoniques (5 et 7) et à des filtres amortis afin de limiter l'impédence harmonique pour les autres rangs (11 et supérieurs). Ces filtres passifs présentent des limitations et des inconvénients : ils ne permettent pas de réellement contrôler les harmoniques filtrés ; ils peuvent accentuer les risques de résonance ; ils doivent être recalculés si les caractéristiques du réseau évoluent (du moins en théorie) ; et ils sont susceptibles de perturber les signaux tarifaires d'EDF. Les filtres actifs sont beaucoup plus efficaces. En générant des tensions en opposition aux tensions harmoniques présentes, ils éliminent complètement ces dernières, quel que soit leur rang. Ils sont d'un coût sensiblement supérieurs aux premiers et leur utilisation est encore peu fréquente. Il est toutefois possible d'associer filtres passifs et filtres actifs afin d'optimiser le ratio coût / efficacité de l'ensemble.
Il est enfin possible d'adopter des VEV dits "à absorption (ou prélèvement) sinusoïdale de courant" qui ne générent pas d'harmoniques. Certains modèles sont disponibles sur le marché avec des surcoûts variés. Pour les VEV monophasés, la solution consiste à interposer un hacheur entre le redresseur et l'onduleur et elle se traduit par un surcoût de 10 à 15%. Pour les fortes puissances en triphasé, on utilise couramment des variateurs dodécaphasés qui réduisent sensiblement les émissions des harmoniques de rangs 5, 7, 17, 19, etc. On trouve également des variateurs dits "tout commandés", comportant des interrupteurs électroniques de puissance, qui présentent l'avantage de permettre un fonctionnement réversible des moteurs, mais l'inconvénient de coûter 70 à 100% plus cher que les VEV ordinaires. Il existe enfin des modèles triphasés qui, comme les monophasés, comportent un hacheur entre le redresseur et l'onduleur. Leur surcoût n'est que de 40 à 60% mais ils ne permettent pas d'éliminer totalement les harmoniques et leur pilotage est assez complexe. On n'en connaît pas encore sur le marché français.
En cas de doute, c'est à dire si le VEV qui va être installé est assez puissant ou si le réseau électrique présente déjà un taux d'harmonique élevé, il est recommandé d'accompagner le diagnostic énergétique d'un diagnostic harmonique plus ou moins complet selon les enjeux.
Article publié dans le supplément technique d'ENERGIE PLUS n°284 du 15 avril 2002.
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